Des Mots


Certains des poèmes présentés ci-dessous ont été réalisé en association avec une sculpture.

Cliquer sur le titre pour accéder à la photo de la sculpture.




« Il pleut sur mon désert »


Tiens, voilà qu’il pleut sur ma planète !
Quel tapage
tout ce remue ménage.

C’était hier encore, ou l’autre fois,
je ne sais plus très bien,
depuis tout ce temps que j’attends.
« je pars, a-t-il dit,
je vais décrocher la lune ».
Il n’était pas tard puis la lune s’est levée,
s’est couchée d’autre fois, s’est levée d’autres fois.

Et voilà qu’il pleut sur mon désert,
quel monde à l’envers !
Et mes pieds seront mouillés, c’est embêtant
ces nouveaux temps.

La sécheresse, me dis-je était un prodige,
sous mon parapluie
j’étais bien à l’abri
de la lune qui passe et me dépasse,
et des étés qui filent et me défilent,
et mes pieds dans la dune
étaient secs et mon cœur fragile
et nos vies faciles…

Et voilà qu’il est parti chercher la lune !
quel courage d’entreprendre tel voyage,

mais s’il savait, pour les ordinateurs…

A l’abri du matin, chagrin :
je devrais partir, mais mon cœur s’accroche
et ma main s’agrippe au parapluie.
A l’abri du midi, souci :
je dois partir, après tout personne ne m’attend.

Depuis toute cette pluie
mon arbre a grandi
et mon cœur a vieilli,

Diable, il s’est mis à pleuvoir sur ma planète,
mais c’est une révolution dans ma tête,
tous ces marteaux pilons qui luttent,
se buttent et se disputent,
se croisent, s’entrecroisent de chocs et d’entrechocs ;
dans cette bataille, pagaille,
où se mêlent, pêle-mêle,
le cri des corbeaux noirs et des idées hors saison,
je vais perdre la raison !

voilà que mes pieds sont mouillés maintenant,
dieu que c’est énervant ces nouveaux temps.

Quand il saura pour mon ordinateur……..

Reviens, je crie, c’est décadent !
toutes ces tempêtes et ces ouragans ;
les amitiés se perdent et les arbres ont trop grandi,
je suis bien vieille et mon cœur vieilli………

mais il reviendra, lorsqu’il saura
pour la lune……..

sur mon écran de veille sans cesse
je la caresse,
des yeux je la touche, elle est si douce,

quel temps perdu,
quel temps foutu,
quel foutu temps,

Mon Dieu !
voilà qu’il pleut dans mes yeux

J’imagine qu’il revienne,
mais j’ai fermé mes persiennes,

Il est si tard…………….

19 Novembre 2002





« Jour de rage »


Jour d’orage, ô désespoir, pluie ennemie,
oh, parapluie maudit,
toi qui, en d’autres lieux,
en d’autres temps,
sous d’autres cieux
m’a servi de défense et de parade,
contre ce vent capricieux
qui me chahute tant,
qui me violente et me tourmente,
ô, parapluie maudit,
d’antan glorieux instrument,
devenu aujourd’hui
inutile ornement
trahit donc ma confiance
et ne fait rien pour moi ?
Mais nul besoin de compassion :
je plie et ne romps pas.
Jour de rage,
ô désespoir
Je saurai, avec courage
et sans courber le dos,
résister à celui qui,
du bout  de l’horizon accourt avec furie,
et déracine celui de qui la tête au ciel était voisine…

Et ce jour là,
les chênes déchus
berceront les roseaux rois …

09 octobre 2003





« Noël Papillotes »


Noël de papillotes et de papiers de lumière,
effacez la grisaille de ces Noëls d’antan,
de ce bonheur étouffé sous des apparats de faux semblants,
de ces rires interdits quand d’autres pleuraient ;
de ces interminables messes de minuit au parfum d’encens,
qui ont invité tant de grenouilles de bénitier,
tant d’âme bigotes et vicieuses
à palabrer sur le sexe des anges,
ces petits êtres immaculés et naïfs
aux visages d’albâtre et couronne de feu
qui ont survolé dans mes rêves illusoires.

Pauvre Jésus, emmailloté comme une papillote
et immortalisé dans des linges bien dérisoires,
figé dans ton berceau de fortune entre cette femme douce vierge
et ce vulnérable charpentier au cœur tendre ;
que sont devenus l’âne et le bœuf au souffle magique
qui te réchauffent depuis près de deux mille ans ?

Noël crèche, Noël sapin, Noël argenté par ces épais flocons cotonneux
qui recouvraient au sortir de cette église de mascarade
nos merveilleux petits bonnets rouges...

Noëls étriqués dans ces vêtements mode
qui donnaient à nos corps un accent de pitié,
Noëls de travail et de sueur où nos esprits
s’évadaient pour des réveillons de chandelles.

Père et mère Noël d’amour,
appels de détresse et cris d’alarme
lancés à la cantonade dans le silence de vos cœurs,
cœurs déchirés et unis cependant dans la souffrance ;

Noëls de lumière et de papillotes aux papiers dorés ;
nuits délicates enchantées  de milliers d’étoiles,
de givre aux carreaux,
qui inspiraient au crayonnage des doigts d’enfants sages,
hésitants, empreints d’un désir souffreteux
de maculer les vitres propres avec ces quelques
salmigondis de dessins et de mots :
Noël,  Amour, sapin, cadeaux...

Mais nos enfants ont brisé sans vergogne les vitres de l’espoir
Pour s’envoler vers des réalités de bien être et de suffisance.
Les myriades de petites étoiles qui ont bordé le périmètre
de nos nuits de Noël ont cédé la place à de
somptueux feux dont les artifices aux dimensions
incommensurables se confondent avec celles de l’univers lui-même.

Nuits de Noël au souffle court et silencieux,
aux yeux mi-clos, figés sur des lampions imaginaires
pour tenter en vain d’échapper à la main trop généreuse
de ce marchand de sable qui une fois de plus nous trahissait,

Nuits de Noël au tintement de clochettes filtré
par la douceur des neiges d’antan ;
Fabuleux traîneau,
tu apportais dans nos chaussures bien plus de rêves et
d’émotions que de cadeaux.
Ont succédé père Noëls pressés, moustaches au vent,
s’entrecroisant au coin des rues,
se bousculant des caddies bondés de jouets mirifiques ;

A quoi peuvent rêver nos enfants derrière ces vitres
à peine embuées de nos hivers doux et humides,
regardant se désintégrer le bonhomme de neige qu’ils ont façonné avec tant d’amour,
ne laissant trace de sa brève existence qu’au travers d’une pipe,
un vieux feutre et trois boutons dorés,
amalgame hétéroclite flanqué à même le sol et gisant dans une flaque d’eau ?

Mais les papillotes sont éternelles.

La lumière qu’elles apportent dans le cœur de nos enfants
se traduit sur leurs visages
et le monde des adultes ne saurait percer
le secret de leurs fantasmes.

Brigitte, 1992




« Le Maître »

Ma très chère,

Voici, comme prévu, la photo du maitre.

Cet air dédaigneux, n’y accorde pas d’importance :
une ombre portée, sans doute.

Le grand voyage se poursuit et toujours
Cette même simplicité (que tu lui connais...)

Cette photo (dont je suis très fière),
je l’ai prise moi même avec son appareil
devant la Grande muraille de Chine.
Il avait, pour l’occasion, ôté chapeau et accessoires.  ( ! )
Rester humble, a t-il dit, devant tant de noblesse.

C’était au nord ouest de Pékin, le mardi 1er avril 2003.
Fais en bon usage !
Je t’embrasse.                 Brigitte.

 





 

D'abord écouter : on l'entendait à peine,
puis je me suis avançée dans la nuit suave
et le charivari se rapprochait, les roues
heurtaient, carambolaient sur le chemin
caillouteux dans une résonance macabre ;
c'est alors que mon coeur trembla :
on n'entendait pas les hommes.



« Le bal des fous »

Ils ont figé leur temps.

Instant fugace :
leurs jambes et leurs corps ont fendu l’espace

Puissance de la danse…

Merveilleux mouvement du troisième temps
de ce tango magique, tragique :
le sentir, le saisir, le retenir,
l’accaparer, le danser, le pleurer
à la seconde même qui illumine leurs visages,
fait briller leurs yeux, vaciller leurs cœurs,
cambrer leurs dos,
s’arc bouter leurs corps juste avant la dérive.

L’accord des corps,
l’accord des cœurs et leur temps diminue :
trois secondes et c’est fini.

Ce n’était qu’un rêve et c’était le leur :

Ils étaient fous.

10 janvier 2004